CRÉER UN PROFIL
Commerces pour le climat

Marc-André Goudreau, Claudia Murray et Chris Anthony Cruz Gumal

Marc-André Goudreau, Claudia Murray et Chris Anthony Cruz Gumal

Sur le long terme, tes valeurs auront un impact positif sur ton entreprise, ta motivation, et celle de ton équipe. Marc-André

LES BONNES PRATIQUES POUR LA TRANSITION ALIMENTAIRE

LES BONNES PRATIQUES POUR LA TRANSITION ALIMENTAIRE

AVANT L'ACCOMPAGNEMENT

Parlez-nous des bonnes pratiques du quotidien au Toasteur Villeray!

Claudia et Marc-André : Nous sommes un restaurant ancré dans l’écosystème local, au service de la communauté de Villeray. On travaille donc à refléter cet ancrage dans notre approvisionnement : on valorise les circuits courts et les entreprises à échelle humaine. La clientèle sait que nos produits viennent d’ici, et elle connaît déjà nos fournisseurs : Pascal le boucher, Pain dans les voiles, Café Larue, Anne et Frères, notamment. Ce sont des commerces bien implantés dans le quartier, avec qui on peut échanger et s’ajuster, en fonction des réalités du moment.

Claudia : Au niveau des matières résiduelles, on a fait beaucoup de chemin. Dès le départ, on avait cette philosophie de limiter au maximum les pertes en cuisine. Là, spontanément, je pense aux tonnes de mesclun et de laitue que nous avons triés !

Marc-André : On a appliqué cette logique au maximum de produits. Un bel exemple, c’est celui des pelures d’oranges : avant, on les donnait parfois à un chocolatier, mais beaucoup allait à la poubelle; maintenant on en fait des oranges confites et on les met dans nos salades et les clients adorent! On ne perd rien, le fruit est utilisé à 100%, du jus à la pelure au zeste. Pour le cidre des mimosas, on ne voulait rien gaspiller ni avoir du verre qui contamine le bac de recyclage, alors on est passés aux cannettes. Elles sont 100% recyclables, et ça permet d’optimiser le stock.

Claudia : On s’est battus avec plein de petits dossiers, comme les gobelets de lait à usage unique, que nous avons supprimé. De manière plus générale, nous essayons de réduire à la source les articles jetables, et tous nos contenants sont compostables.

Notre démarche écologique passe aussi par les nombreux plats végétariens proposés à la carte. On développe de plus en plus nos idées en mode végétarien, puis on propose une option carnée en supplément. C’est faux de dire que les légumes c’est plate, loin de là. Et, pour les plats carnés, nous offrons toujours une alternative végétale réfléchie pour être savoureuse avec le plat; même notre menu végétalien se développe de plus en plus, entre autre avec nos nouveaux pancakes végans.


APRÈS L'ACCOMPAGNEMENT

Quelles ont été les bonnes pratiques explorées durant l’accompagnement délivré par Alessandro Labeque?

Claudia et Marc-André : On peut encore progresser sur l’approvisionnement : certains produits sont facilement accessibles en circuit court, comme le fromage et la viande, mais c’est souvent plus fluctuant pour les fruits et légumes. L’objectif de l’accompagnement était donc d’avoir une meilleure connaissance de l’offre des maraîchers locaux et de tester des approvisionnements ponctuels. On veut intégrer plus de produits biologiques et locaux dans le menu, et l’accompagnement nous a permis d’avoir une petite étude de marché adaptée à nos besoins !

Alessandro a réalisé un travail de veille commerciale, puis tout a été colligé dans une base de données avec toutes les informations sur l’offre agricole destinée aux restaurateurs, les volumes, la nature et la qualité des denrées disponibles. Nous avons également découvert des outils pour faciliter la prise de commande, comme la plateforme Arrivage, très intuitive à utiliser et bien détaillée.

Comment décrire le Toasteur en quelques mot?

Marc-André : Le Toasteur Villeray, c’est un restaurant de quartier décontracté et sans prétention, qui offre des déjeuners et des brunchs depuis 2012. On travaille le plus possible avec des produits locaux et de saison, et on part du traditionnel pour le réinventer, en plus funky.

Claudia : Le restaurant a énormément évolué depuis 2012 : de base c’était plutôt un endroit traditionnel, avec des napperons et de pots de plastiques pour le lait!
Puis, on a participé au projet pilote de la Ville sur le compost commercial, et c’était effet domino : on s’est mis à trier davantage les déchets de cuisine, à supprimer certains produits jetables, etc.

Marc-André : À ce moment, on s’est rendu compte que le Toasteur pouvait être un véhicule pour promouvoir nos valeurs, alors on est allés plus loin ! Ensuite, la pandémie a été une autre grande étape : on faisait uniquement de la vente à emporter, donc il fallait passer à des emballages et des contenants durables. On a également refusé la livraison Uber, loin de nos valeurs, pour rester en contact avec notre communauté de Villeray.

Quelles sont vos responsabilités au sein du restaurant?

Marc-André : Nous sommes trois associés copropriétaires, avec chacun sa spécialité. Je suis gérant de la salle à manger et je m’occupe de la stratégie, des prévisions financières. Claudia supervise l’approvisionnement et la création du menu, et Chris développe les recettes et gère la production.

Les commerces ont-ils un rôle à jouer dans la transition alimentaire?

Claudia : Oui vraiment, c’est dans mes valeurs depuis longtemps, et vu que je m’occupe de l’approvisionnement et du menu, cela peut se traduire par des choix concrets et visibles.

Marc-André : Oui, en tant qu’entrepreneurs, on veut montrer l’exemple. Un restaurant peut avoir un grand impact sur sa communauté, et le changement ne peut pas passer par l’individu uniquement. À mon sens, les commerces, les corporations et les décideurs doivent embarquer aussi. Donc on s’est mis en mode test, car il fallait aussi qu’on s’y retrouve au niveau financier. On a essayé de nouveaux produits, de nouvelles pratiques, et on a réalisé que c’était possible.

Claudia : Au départ, on cherchait surtout la stabilité, puis on a fait évoluer nos pratiques en réalisant que c’était simple, et que cela pouvait générer des économies. On a aussi compris qu’on pouvait avoir un rayonnement, que nos bonnes pratiques pouvaient être implantées ailleurs lorsqu’on en parlait autour de nous !

Vous sentez-vous légitime pour sensibiliser votre clientèle?

Marc-André : Oui, on fait ce travail de sensibilisation avec la clientèle sur place, en échangeant en continu avec elle, même pour de petites choses : avez-vous besoin d’un couvercle, d’imprimer la facture, etc. Le but est d’amener la personne à s’interroger.

Claudia : On communique sur nos valeurs au quotidien, mais sur les réseaux sociaux, on reste vigilant, parce qu’on ne veut pas tomber dans la complaisance. L’écologie, c’est une valeur et non une façon de se valoriser. Mais comme la communication et donner l’exemple sont des éléments clés de la transition écologique, je pense que oui, il faut le faire, même si nous ne sommes pas parfaits.

Marc-André : C’est vrai, ce n’est pas parfait et on peut toujours faire plus, mais on est certains d’être dans la bonne direction.

Qui serait le meilleur acteur pour impulser le changement à Montréal?

Je crois beaucoup au dialogue entre entrepreneurs pour faire avancer les choses. À Montréal on peut aussi compter sur le soutien de beaucoup de partenaires, comme le GUTA mais aussi le réseau des PME MTL, la Ville, la Société de développement commercial Quartier Villeray, ou encore la Banque de développement du Canada.

Quelle est la pratique dont vous êtes les plus fiers en tant que commerçants?

Marc-André : Je pense que notre plus grande fierté est d’avoir réussi à créer ces liens avec les commerces du quartier, cet écosystème de petites entreprises locales qui se connaissent et qui travaillent ensemble. Ce n’était pas évident de changer de fournisseurs; il a fallu revoir la logistique et certaines pratiques, notre boulanger a par exemple créé un pain sur mesure adapté à nos besoins, mais tout le monde a joué le jeu et ça a fonctionné.

Quels sont les prochains projets excitants au restaurant?

Marc-André : Nous sommes en train d’acquérir l’étage du dessus ! Cela va changer beaucoup de choses : on va avoir une seconde salle à manger, qui nous permettra de générer le même volume de couverts qu’en été.
On pourra aussi avoir une plus grande capacité de préparation et de stockage : l’idée est de commander de plus gros volumes de produits bruts, pour les transformer nous-mêmes. Ainsi, on pourra réaliser des économies et mieux rémunérer les équipes.

Claudia : À date, on le fait déjà nous-mêmes pour une partie des produits, mais là on va pouvoir changer d’échelle, sans compromettre la qualité.

Quel message voudriez-vous adresser à un commerçant qui souhaite revoir ses pratiques ?

Claudia : En deux mots : l’effet papillon. L’écologie dans son ensemble, c’est un trop gros objectif, il faut le déconstruire et commencer par le plus accessible. Choisir quelques nouvelles pratiques simples, puis cela devient ton quotidien. Rapidement, tu n’y penses plus et ça te laisse de la place mentale pour attaquer la suite.

Marc-André : Chaque geste compte, mais il faut tenir compte des étapes :au début l’objectif est de faire de l’argent, sinon tout le reste ne servira à rien. Donc les premiers choix ne seront      pas forcément orientés sur les valeurs, mais si l’objectif à moyen et long terme est là, les pratiques durables s’intégreront graduellement à ton quotidien, et sur le long terme, elles auront un impact positif sur ton entreprise, sur ta motivation et celle de ton équipe.

Dans un monde idéal, comment pourraient être gérés les enjeux de la transition alimentaire?

Marc-André : Je pense qu’il faudrait repenser la répartition des responsabilités et des dépenses pour opérer la transition. Par exemple, le fait que les réglementations s’appliquent de la même manière pour les petits et les gros joueurs. Sur ces efforts à fournir, on ne peut pas compétitionner avec les grandes bannières, qui ont beaucoup plus de marges de manœuvre pour s’adapter, planifier et financer les changements.

Vous avez un slogan?

Claudia : Ce serait : « Toujours en mode brunch » car, chez nous, tout est prétexte pour faire un bon brunch !

Si vous étiez un fruit ou un légume, lequel et pourquoi?

Marc-André : Je serais certainement un champignon : je survis à tout, et plus tu me barres la route plus je vois ça comme un défi. Et ça se met à toutes les sauces !

Claudia : Je pense que je fais partie du mix de base, comme un oignon : au quotidien, je ne veux pas être l’ingrédient principal, je préfère m’intéresser à toutes les tâches pour les sublimer !

L’accompagnement a été réalisé par notre partenaire Alessandro Labeque, spécialisé dans l’accompagnement des acteurs du système alimentaire local. Expert en analyse et réduction du gaspillage alimentaire et approvisionnement local et responsable.

L’accompagnement a été réalisé par notre partenaire Alessandro Labeque, spécialisé dans l’accompagnement des acteurs du système alimentaire local. Expert en analyse et réduction du gaspillage alimentaire et approvisionnement local et responsable.